Vendredi 6 juillet 2012 : L’approche des environs de notre camp de base déclenche, chez
moi, une sorte de stress qui ne me quittera pas de sitôt. Bien que je
m’attendais à un relief de collines, la découverte de notre aire de jeu du
weekend m’impressionne. Je m’étais en effet figuré quelque chose d’un peu plus
plat ! Mais le fait que nous arrivions sous la pluie renforce l’idée que
nous risquons de souffrir durant notre périple. Et en traversant le sentier
herbeux tout proche de notre gîte et que nous devrons emprunter, je ne me
rassure pas davantage. L’herbe est assez haute et la boue est bien là, formée
par les pluies des derniers jours. Pluie, pieds rapidement dans l’eau et donc
fragilisés, grimpettes, vicieuses descentes pour nos pauvres genoux et boue…
voilà quelques-uns des ingrédients du menu qui nous est proposé !
A ce moment, imaginer parcourir 100 bornes dans ces conditions, c’est
comme se trouver au pied d’une montagne, d’une immense paroi rocheuse contre
laquelle on va devoir lutter pour la vaincre. Et c’est bien un sentiment d’angoisse,
le trac avant un grand événement,
qui m’assaille, me pénètre et commence à me nouer les intestins pour ne plus me
lâcher pour un certain temps, au point que j’en ferai part à Max puis à
Maurice… Et ce sentiment se renforce
à chacune des
averses successives que nous essuyons ! Pourtant, entre chaque ondée,
c’est un somptueux spectacle de jeux d’éclairages sur la campagne percheronne que
nous pouvons admirer ! Comme pour nous narguer ! « Alors : ils vont y aller… ou
pas ?? Caps, ou pas caps ? » semble nous défier le gars qui balance
entre la douche et la rampe de spots !!
Samedi 7 juillet 2012 à 8h06 : Après une nuit en deux temps, pour ce qui me concerne, nous
nous retrouvons tous au petit déjeuner, avec l’excitation propre aux événements
exceptionnels. J’avais bien dormi au début de la nuit, grâce à un très léger
somnifère ingurgité afin d’éviter les cogitations dues à cette angoisse qui m’habite
depuis notre arrivée sur place. Mais la suite a été plus calamiteuse, et je me
suis réveillé à moitié endormi et peu serein ! Et alors que tout s’agite
autour de moi dans ce qui, en quelques minutes, est devenu une véritable ruche,
je suis en pleine concentration, devant la pluie qui tombe, passant à nouveau
en revue tout ce qu’il me faudra gérer pour être le moins possible perturbé
durant ma promenade d’environ 24 heures. Et assez rapidement, la pluie cesse,
cédant la place à un minuscule rayon de soleil. Une très longue journée prend
forme dans le Perche…
AVERTISSEMENT :
Dans cette micro région, toutes les populations ont été
prévenues : les désormais célèbres Warriors arrivent ! Chacun doit
donc rester à sa place. Cela est valable pour tous les percherons et les
percheronnes, mais aussi pour les vaches, les ânes, les chiens, les véhicules,
les sangliers, les renards, les chevreuils…
9h55 : Il règne une ambiance bon-enfant à Trizay. Des marcheurs de
toutes les catégories attendent patiemment le signe du départ en papotant. On
est venu entre amis pour réaliser la perf de l’année, voire de toute une
vie ! Alors, c’est une vraie fête ! Ca jacasse, ça rigole dans tous
les coins, mais parfois aussi : c’est bien calme. Puis les groupes se
forment et se resserrent au pied de la place du petit village qui n’a pas peur
d’y faire se côtoyer la mairie et l’église.
Mais, aujourd’hui, c’est le maire qui prend la parole en saluant tous les valeureux courageux qui s’apprêtent à livrer le meilleur d’eux-mêmes, puis en annonçant que : « C’est parti » !!!!
Mais, aujourd’hui, c’est le maire qui prend la parole en saluant tous les valeureux courageux qui s’apprêtent à livrer le meilleur d’eux-mêmes, puis en annonçant que : « C’est parti » !!!!
Dès le
départ, Maurice fausse compagnie à tous les autres Warriors ! Vexé et
malheureux de s’être résigné à ne pas faire les 50km, il a décidé de mouiller
le maillot pour boucler son 25 le plus vite possible ! Aussi, il
n’attendra personne et fera sa marche en solo. Pour faire encore plus fort, il
s’est même, apparemment, placé en tête du peloton, alors que le reste de notre groupe
prend un départ à allure raisonnable parmi les autres marcheurs. Nous ne le
reverrons donc pas !
Sitôt la première montée abordée, les choses changent. Josiane et surtout Agnès forcent un peu le pas. Il faut dire qu’elles ont un contrat à respecter : elles doivent boucler leurs 50 bornes en moins de 12 heures ! Quant à moi, après être resté quelques minutes avec les 25 bornards de notre équipe, avec ma petite caméra sur la poitrine, je décide de leur fausser compagnie et de faire la route avec ces deux miss qui auront un rythme plus soutenu. Celui-ci me correspond mieux, et j’ai aussi un contrat : boucler mes deux boucles en moins de 24 heures. Alors « Ciao ! bye, bye, les 25 !!! Et bonne route » !
Je rattrape
donc mes deux habituelles compagnes d’entrainement. Et dès le haut de la côte,
nous tombons une épaisseur dans la fraîcheur matinale du Perche.
En effet, l’effort produit dans une telle ascension, avec un sac rempli afin de pouvoir parer à toutes les éventualités d’un si long parcours et d’une météo bien capricieuse, produit des calories dont il est bien agréable de se débarrasser dès la première surchauffe.

Puis, comme à notre habitude, nous marchons de concert, à une vitesse commune, dissertant épisodiquement des curiosités déclenchant un quelconque émoi. Le paysage dans lequel nous ne tarderons pas à baigner est vraiment joli. La blondeur des champs de céréales tranche harmonieusement avec les bosquets disséminés entre de petits hameaux où domine l’ocre des pierres. Et l’angoisse qui m’habitait disparaît insensiblement, vaincue par la beauté de la situation.
En effet, l’effort produit dans une telle ascension, avec un sac rempli afin de pouvoir parer à toutes les éventualités d’un si long parcours et d’une météo bien capricieuse, produit des calories dont il est bien agréable de se débarrasser dès la première surchauffe.


Puis, comme à notre habitude, nous marchons de concert, à une vitesse commune, dissertant épisodiquement des curiosités déclenchant un quelconque émoi. Le paysage dans lequel nous ne tarderons pas à baigner est vraiment joli. La blondeur des champs de céréales tranche harmonieusement avec les bosquets disséminés entre de petits hameaux où domine l’ocre des pierres. Et l’angoisse qui m’habitait disparaît insensiblement, vaincue par la beauté de la situation.
Vers le
cinquième kilomètre, nous passons juste à côté du « Warrior’s
manor », magnifique de rusticité, fondu dans un paysage typique de la
région : étangs aux côtés des bâtiments ocres. A peine quelques minutes
plus tard, nous essuyons notre première averse, sous la forme d’un léger
crachin, bienfaiteur, car rafraîchissant après les premières grimpettes qui
nous ont mis en jambes.
Puis nous
descendons sur Vichères, notre charmant petit village et premier lieu de
pointage et de ravitaillement. Là, nous constatons que notre temps de passage
n’est pas très bon : 6,2km en 1h25 ! Même si j’avais décidé de partir
à une allure relativement modérée, celle-ci me semble quand même un peu en-deçà
du raisonnable pour pouvoir boucler sereinement les 100. Pourtant, je désire me
garder une marge pour avoir le temps de parer à tout pépin. Aussi, avec ma
petite mais non négligeable expérience de la distance, et vu les conditions
climatiques, je sais à quoi m’attendre. Tout au long de ma petite balade, je
vais donc devoir veiller à concilier ces deux contraintes. Mais pour l’instant,
il n’y a pas de quoi s’affoler. Nous savons tous les trois que nous devons
légèrement allonger le pas. Et nos entrainements en commun aidant, nous allons
réattaquer d’un pas un peu plus soutenu, et toujours ensemble. Certes nous
avons choisi nos distances contractuelles respectives, mais nous formons aussi
une équipe. Et marcher ensemble dans ce magnifique décor pour aller à sa
découverte et tenter de réaliser nos curieux rêves respectifs nous ravit tous
les trois.
Depuis un certain temps, voire depuis le départ, nous constatons que nous ne voyons aucun dossard correspondant au 100km ! Je suis d’accord que mes deux performances précédentes, au niveau du temps que j’avais mis, n’ont rien d’extraordinaire. Mais je trouve pourtant bizarre de me retrouver si esseulé. N’y aurait-il que des compétiteurs dans ce curieux peloton ?! Ce qui m’intéresse avant tout est la distance. Evidemment, si je peux grappiller quelques minutes sur mon temps précédent, j’en serai ravi ! Mais je reste prudent car je me connais bien. Je me souviens de ce Jacky Ickx, exemple de grande sagesse dans le domaine de l’endurance, qui, alors que le départ des 24 heures du Mans automobile consistait à courir en sprintant jusqu’à son bolide pour prendre la route, avait traversé la piste en marchant, justifiant cette attitude non conventionnelle par le fait qu’il s’agissait d’une épreuve d’endurance et non de vitesse, s’inspirant certainement de la fable du « lièvre et de la tortue ». J’ajoute même que le sportif qui n’utilise aucun moyen de locomotion, si ce n’est son propre corps, n’a qu’une seule machine à sa disposition, et ce jusqu’à la fin de ses jours, et que, de plus, il n’a aucune possibilité de réparation… Aussi, j’ai fait le choix de ne pas m’emballer, et même si je suis à la traîne des autres, tant que je suis dans les temps je peux poursuivre mon effort au même rythme. Et, au bout du compte, on verra certainement à l’arrivée que certains se seront montrés trop présomptueux !
Après avoir
essuyé une bonne douche (Eh oui ! C’est comme ça !), et alors que je
suis un peu en avant de mes Warriorettes, je fais une rapide pause pour essuyer
à son tour ma cape de pluie et la ranger. Je repars alors en emboîtant le pas
d’un couple avec lequel j’entame une petite conversation. Après de rapides
présentations de circonstance, et alors que je leur demande de quoi on peut
bien vivre dans cette région essentiellement rurale, nous philosophons à propos de nos métiers
respectifs qui présentent certaines similitudes.


Tous deux vivent et travaillent au village de Trizay, et forment ainsi une « famille d’accueil ». J’imagine que la série télévisée « Famille d’accueil » doit leur paraître aussi grotesque que celle qui sévissait, à l’époque de mes débuts dans l’enseignement et qui résumait la vie du super instituteur à sa géniale inspiration face à chacune des classes qu’il dirigeait et qui curieusement ne comptait systématiquement qu’une douzaine d’élèves ! Eux, accueillent principalement des ados étrangers dont la vie n’avait jusque-là pas été rose. Manifestement heureuses d’être là et de profiter ainsi de leur belle région, ces deux personnes, à la démarche sereine et pleine d’entrain, abritent, nourrissent et guident actuellement quatre jeunes étrangers aux destins brisés. Ils ont entre autre un réfugié afghan depuis environ trois ans et qui vient brillamment de réussir son Brevet des collèges. Bravo à lui ! Et bravo à eux deux…
Tous deux vivent et travaillent au village de Trizay, et forment ainsi une « famille d’accueil ». J’imagine que la série télévisée « Famille d’accueil » doit leur paraître aussi grotesque que celle qui sévissait, à l’époque de mes débuts dans l’enseignement et qui résumait la vie du super instituteur à sa géniale inspiration face à chacune des classes qu’il dirigeait et qui curieusement ne comptait systématiquement qu’une douzaine d’élèves ! Eux, accueillent principalement des ados étrangers dont la vie n’avait jusque-là pas été rose. Manifestement heureuses d’être là et de profiter ainsi de leur belle région, ces deux personnes, à la démarche sereine et pleine d’entrain, abritent, nourrissent et guident actuellement quatre jeunes étrangers aux destins brisés. Ils ont entre autre un réfugié afghan depuis environ trois ans et qui vient brillamment de réussir son Brevet des collèges. Bravo à lui ! Et bravo à eux deux…
Vers 12h30, Danièle me téléphone. Je
suis assez étonné d’être ainsi joint, car la veille aucun de nous ne parvenait
à utiliser ce joujou à la pointe de la technologie. Ça a l’air d’aller pour
elle et ses acolytes, mais elle m’apprend l’abandon de Bénédicte. Bien enrhumée
depuis plusieurs jours, elle souffre, en plus, du dos ! Elle s’est donc
arrêtée en passant à côté de notre gîte. A présent, elle peut profiter de cet
endroit magnifique et de la maison très sympa. Farniente…
Vers le
km15 : Déjeuner rapide au checkpoint. Nous sommes assis sur un banc pour
déguster notre… savoureuse salade de pâtes !!
Vers
13h30 : Après être repartis, nous évoquons une averse qui risque de nous
tomber dessus, tant le ciel si changeant s’est assombri à notre proximité. Et
très rapidement, c’est le cas. Nous avons à peine eu le temps de nous arrêter
pour nous revêtir de nos capes de pluie. En catastrophe, nous nous abritons sous
le toit, pour ne pas dire la gouttière, d’un corps de ferme. Et c’est le
déluge ! Très vite, la route que nous suivions et qui plonge vers le bas
de la colline sur laquelle nous sommes perchés déborde d’eau. Le vent s’en
mêle. Un troupeau de vaches, comme emportées par la bourrasque qui vient
d’attaquer notre promontoire, s’affole et galope à l’aventure pour fuir le
déluge renforcé par la force sans mesure aucune de ce vent soudain. Nous les
distinguons à peine à travers le rideau de liquide qui s’active devant nos
yeux ébahis ! Quand après quelques minutes la tempête diminue d’intensité, nous
décidons de reprendre notre cheminement, correctement équipés. Mais, cette
pluie adverse ne cesse pas pour autant ! Et nous descendons dans un véritable
torrent. L’imperméabilité de nos chaussures commence alors sérieusement à
perdre de son invincibilité. Et arrivée au bas de la colline, comme pour nous
narguer, la route remonte, aussi pentue. Et comme il pleut toujours, après être
descendus dans le sens du courant, il nous faut à présent remonter l’autre
versant… donc à contre-courant !!
A présent,
et en ce qui les concerne, dans leurs chaussures, mes pieds se sentent aussi à
l’aise que des poissons dans l’eau !
A force de
l’enfiler puis de la retirer, ma cape de pluie m’énerve. Les petites pressions,
situées sur les côtés afin d’aérer ce qui pourrait devenir une vraie
cocotte-minute, ne cessent de se dégrafer. Et chaque manipulation devient un
peu plus délicate que la précédente. C’est peu dire si cet outil, pourtant
salvateur au vu de toutes les giboulées que nous rencontrons, est
malmené !
14h05 :
Un garçon lève les bras dans le ciel
nuageux de Trizay ! Il franchit la ligne d’arrivée de son 25 kilomètres.
Si un jour il me perçoit, je l’engage à changer de distance !
Ce qui
devait arriver finit par arriver. Ma cape de pluie se déchire à l’encolure. Je
me vois donc contraint de monopoliser une main pour pouvoir la maintenir fermée
dès que nécessaire. Mais l’eau finit toujours par pénétrer là où elle a décidé
de s’insinuer.
Danièle
pointe son nez, précédé de ses godillots tout crottés, au point de contrôle du
km18. « C’est beau, hein !! » lui lance-ton. Dégoutée de la vie,
elle répond mal aimablement : « J’en sais rien ! J’regard’ que mes
pieds » !!!
Vers 15h15,
Je téléphone à Maurice pour savoir où en est son avancée. En
direct, il m’apprend qu’il est en train d’en terminer… Il doit être heureux
d’avoir réussi cette performance, car les derniers kilomètres n’ont
certainement pas été aisés, pour lui aussi, avec les conditions météorologiques
que nous avons tous rencontrées. Alors : « Bravo, Momo !!!
Et : Repose-toi bien car tu l’as bien mérité » !
15h25 : Après une nouvelle sévère averse, nous
arrivons à Frazé. Après 25km, nous voici à l’extrémité de la boucle du premier
50km, et pour marquer le coup, nous opérons un demi-tour autour du château
absolument splendide de ce petit village. Constitué de quelques briques et pour
l’heure, visité de pébroques, ce monument, visiblement maintes fois relooké
depuis le Moyen-âge, n’est pas à classer dans les petites merdes de brique et
de broc. Vraiment : il vaut le détour, et le tour ! Et c’est vraiment
dommage de ne pas avoir davantage de temps pour s’y attarder. Juste un arrêt, le
tamponnage de notre fiche de route, un coup à boire avec une sucrerie, quelques
étirements et un coup d’œil de curieux vraiment
interloqué par la beauté du lieu, et les machines repartent…



16h08 :
Le ciel de Trizay, jusque-là chargé de
lourds nuages électriques, s’illumine de 50 étoiles pour fêter l’arrivée du
premier marcheur des 50 bornes !! Il accomplit là une belle performance,
mais l’histoire dénaturera un peu plus tard l’événement en signalant que le
garçon a partiellement couru !! Bravo quand même…
Au même moment, notre groupe de trois, un peu éclaté, parvient dans un joli
parc entourant un non moins joli petit château de style Renaissance. Et,
surprise : un ravitaillement nous y est proposé… évidemment sous la pluie.

Ce sont les propriétaires du lieu, Madame et Monsieur, en costume, comme il se doit, qui proposent leur propre collation, sauvage, comme ils disent ! Je leur rétorque que leur tipi n’est pas mal du tout…

Ce sont les propriétaires du lieu, Madame et Monsieur, en costume, comme il se doit, qui proposent leur propre collation, sauvage, comme ils disent ! Je leur rétorque que leur tipi n’est pas mal du tout…
16h15 :
Tania, Alphons et Max en finissent avec leur 25km bien
arrosé lui aussi, eux aussi… Voici aussi une belle performance qui rassure
certainement Tania après sa désagréable déconvenue du mois d’Avril à
Fontainebleau. « Bravo à vous !!! Et : Reposez-vous bien, vous l’avez
bien mérité » !
Devant mon énervement à propos de ma
cape (pas de Zorro, ni de super héros, mais simplement de pluie !) Josiane
fait une réparation de fortune qui ne nous coûte pas trop cher avec une des chères
épingles à nourrice de mon dossard. Alors, un doute terrible
m’assaille avec sa massue : les deux seules épingles fournies par
l’organisation suffiront-elles à maintenir mon dossard, et surtout à le
maintenir de manière à ne pas trop endommager mon beau maillot de
Warrior ? Perclus d’émotion à propos de cet horrible dilemme, je ne
m’attarde cependant pas davantage sur cette réflexion philosophique quant au
matérialisme de cette situation profondément marxiste ! Aussi, et pour
demeurer terrien sur la Terre, et surtout pour éviter de continuer à mouiller
mon dossard qui avait déjà servi l’an dernier à un autre valeureux concurrent,
et qui avec un peu de chance pourrait à nouveau servir lors de la prochaine
édition, je n’insiste plus ! Là, il s’agit bien de développement
durable ! Et le petit écolo qui somnole en moi, de ce fait, se satisfait
de ce fait ! Et, nous relançons les machines.


Mais, encore une fois, notre groupe s’éclate, s’étire. A présent que je suis vraiment chaud, mon pas s’allonge insensiblement et j’ai de plus en plus de mal à garder le rythme de mes deux coéquipières…
C’est enfin au tour de Danièle d’en finir avec ce qui était
devenu, il y a quelques temps déjà, pour elle, un vrai
calvaire. Pourtant un peu habituée aux chemins de croix, celui-ci l’a mise en
transe ! Or cette transe est d’abord toute intérieure. Elle a bien posé le
genou à terre, à chaque virage, mais dans la boue, et à cause de la boue !
Elle en veut à ce temps de merde ! Mais elle en veut surtout à son Charly chéri
et à Mimi, alias Momo le Coco de tout le monde, pour l’avoir embarquée
là-dedans ! Et si encore il y avait eu une vraie barque, avec une cabine
et un toit pour s’abriter !! Mais non ! Rien qu’une galère ! Et
une galère avec pour seule galérienne : sa pomme ! Quel pépin ! Et
pas une seule rame pour l’aider à avancer et ne pas se laisser avaler par toute
cette mélasse dégueulasse !!! Elle en veut aussi à ses coéquipiers qui l’ont
un peu abandonnée comme une vieille chaussette détrempée qu’on aurait larguée
au beau milieu d’une mare ! Et Dieu sait s’il y en a des mares dans le
coin !! Elle en veut aussi à cette organisation qui a été un peu légère
sur les ravitaillements et les aires de repos pour cette épreuve de 25 bornes,
certes la plus courte mais donc la moins cotée ! Mais a-t-on déjà vu des
aires de repos sur une mare où ne vogue ni barque ni galère ?! Et
maintenant, elle est en pétard sur la plate-forme d’arrivée… Et elle restera
furieuse toute la soirée… et décidée à ne jamais réitérer ce genre de connerie !!!
Et à cette colère s’ajoutera le fait de rester sans nouvelles, ou plutôt sans
aucune prise de nouvelles, de la part de son taré de marcheur de mari !! Effectivement,
je marche un peu en égoïste, sous ma capuche me protégeant de la pluie… dans mon
truc, quoi ! Et ce con de téléphone qui fonctionne quand il a le temps…
avec lui ! « Ah ! Si je tenais l’abruti qui en veut ainsi aux
Warriors » !!
Au km31, vers 16h45, et après une
nouvelle bonne averse, j’arrive au pointage avec un peu d’avance sur Josiane et
Agnès, dans un lieu à priori peu accueillant. Aussi, je pointe et je décide de
ne pas traîner. Dès leur arrivée je leur fais part de ma décision de ne pas
rester plus longtemps. De leur côté, elles désirent faire une bonne pause. Je
les abandonne donc ! « Ciao !
bye, bye, les 50 !!! Et bonne route » ! Certes, déçu de les
quitter, je pense qu’il me faut maintenir mon rythme pour arriver dans les
temps au bout de mon périple, très loin d’être terminé. Quant à Josiane et Agnès,
je ne suis pas inquiet pour elles car je les sais solides. Josiane, même si
elle est très fatiguée de son année et de ses dernières journées, est
expérimentée sur cette distance. Quant à Agnès, que je connais moins, elle est
très tonique et je la sens vraiment capable d’aller au bout et bien sûr :
en temps et en heure. Ainsi, sauf un gros coup dur, en maintenant leur vitesse,
toutes deux ne devraient pas avoir de soucis pour terminer dans les délais.
Un peu plus loin, et après une
nouvelle bonne grimpette, le chemin se trouve totalement sous les flots. En
exagérant, sa photo pourrait résumer cette épreuve !
Mais, il me faut ne pas tomber dans la caricature. D’autant plus, qu’à partir de là, la pluie va baisser les armes pour nous offrir une bonne période de répit ! Et c’est tant mieux car les pieds baignent dans des chaussures gonflées d’eau. Et pour avoir déjà vécu une telle expérience à Eupen, je suis assez inquiet. D’ailleurs, depuis quelques temps je ressens des douleurs de brûlures ! Depuis un moment, je devais slalomer entre les grosses flaques, mais cette fois, il n’y a pas trop de possibilités. Je tente donc, et réussis plus ou moins bien, de passer au bord de cette improbable mare, tout en me disant que : dans le pire des cas, mes pieds font déjà trempette ! Alors…
Mais, il me faut ne pas tomber dans la caricature. D’autant plus, qu’à partir de là, la pluie va baisser les armes pour nous offrir une bonne période de répit ! Et c’est tant mieux car les pieds baignent dans des chaussures gonflées d’eau. Et pour avoir déjà vécu une telle expérience à Eupen, je suis assez inquiet. D’ailleurs, depuis quelques temps je ressens des douleurs de brûlures ! Depuis un moment, je devais slalomer entre les grosses flaques, mais cette fois, il n’y a pas trop de possibilités. Je tente donc, et réussis plus ou moins bien, de passer au bord de cette improbable mare, tout en me disant que : dans le pire des cas, mes pieds font déjà trempette ! Alors…
Des voix se rapprochent
insensiblement. Pourtant j’ai légèrement haussé mon rythme ! Et après
quelques minutes durant lesquelles leur intensité ne cesse de monter en
puissance, elles finissent par me rejoindre et même s’adresser à moi. Et pour
la première fois depuis mon long périple, je découvre que je ne suis pas le
seul à m’être élancé sur le 100km !! Du coup, même si je dois un peu
forcer pour garder leur rythme, nous cheminons ensemble d’un bon pas tout en
échangeant sur nos présences respectives. C’est le premier 100 bornes de la
dame, mais le second du gars (son frère), qui avait abandonné lors de son
premier, il y a déjà quelques années. Nous faisons ainsi un bon bout de chemin.
Mais au pointage-ravitaillement suivant, ils repartent avant moi. Ils me
semblent assez speed, trop pressés, même !!
Et après m’être ravitaillé et étiré
le dos tout en écoutant un autre groupe de 100 bornards (décidément, je ne suis
vraiment pas seul !!), je reprends la route. Une route peu intéressante…
Même s’il ne pleut plus, le ciel n’est pas pour autant des plus lumineux. Le
soleil ne se montre pas et on ne le verra certainement pas se coucher. La
nature n’offre plus qu’une succession de montées et de descentes, de routes et
de chemins gadouilleux à souhait. Et chaque descente accentue la sensation de
brûlure de mes pauvres petits petons malmenés. Aussi, j’essaie de téléphoner à
mon staff pour demander du matériel sec que je pourrai utiliser dès la
mi-course. Et : miracle ! Ca fonctionne !! Ca pourrait marcher,
mais c’est moi qui marche !!!
Lorsque je parviens en solitaire au
pointage suivant, le frère et la sœur redémarrent. Ils ont certes pris une
petite avance sur moi, mais la dame semble avoir une petite claudication. Par
expérience, je sais que certains redémarrages sont douloureux et que ça
s’arrange rapidement. Mais en ce qui les concerne, j’ai un mauvais
pressentiment. Là où ils en sont, c'est-à-dire comme moi en fin de peloton, on
ne joue pas la gagne ! Aussi, je pense qu’ils ne prennent pas assez leur
temps !
Après 10h45 et officiellement 52km, j’atteins Trizay, à la croisée des deux boucles de mon
parcours en forme de huit, et pour l’occasion : centre du monde. Comparé à
nos 9h50 de l’an passé, cela n’a rien de glorieux ! Mais les conditions ne
sont pas les mêmes et mon départ a été plus sage, beaucoup moins violent. Et
comme la violence ne doit pas se mêler à l’endurance telle que je la conçois,
tous les espoirs sont permis. J’ai une marge de temps intéressante et la
fatigue ne m’a pas atteint. Le seul point noir est cette série de brulures sous
les pieds, mais je vais mettre à profit cette halte pour essayer d’y remédier. Je
me présente donc tout guilleret à l’entrée de la dernière ligne droite. Une
grande partie de mon fan-club m’attend en piétinant depuis quelques minutes,
comme si leurs 25km ne leur avaient pas suffi. Je fais quelques mouvements de
bâtons dans les airs pour signifier ma satisfaction, ma bonne forme et mon plaisir
de retrouver tout ce petit monde. Et une bonne pause est la bienvenue.
En me
dirigeant vers le lieu de pointage, je croise et salue le couple « famille
d’accueil ». Tout souriants, ils ont remplis leur contrat de 50km et me
souhaitent bon vent pour la suite de mon épopée.
Puis, assis
à une table avec Maurice, Tania, Alphons et Max, nous échangeons évidemment nos
impressions sur nos périples respectifs et surtout sur cette météo plus que
trouble-fête. Dans le même temps, je me jette sur ma salade de pâtes tout en
effectuant un changement d’optiques, c'est-à-dire que j’abandonne les verres de
contact, que je ne peux supporter 24 heures, au profit des lunettes de vue.
J’effectue aussi et surtout des changements au niveau des pieds ! Les
chaussures, les chaussettes et les pieds sont totalement trempés. Aussi, je
laisse mes pieds respirer, sécher et profiter de ce moment de décompression. Et
quand ils sont bien secs, reposés et qu’ils font enfin oublier les sensations
de douleurs qui en émergeaient, pour les attendrir encore et leur faire savoir
que je les aime bien car bien souvent, grâce à eux je vis des choses géniales,
alors je les pommade langoureusement de crème Nok ! Et je sens qu’ils aiment
ça ! Alors quel bonheur de les remettre dans un fourreau douillet, chaud
et sec ! Ensemble, nous allons pouvoir repartir pour un nouveau
pied !!
Je me mets
d’accord avec les autres Warriors pour un éventuel créneau d’arrivée de mes 100
bornes. Je donne donc rendez-vous à tout le monde, logiquement vers 9h00 demain
matin. Cependant, s’il y avait du changement, je pourrais essayer de
téléphoner, mais avec l’efficacité de cet outil dans la région, ce n’est pas
gagné. Toutefois Maurice se lèvera plus tôt pour venir me retrouver et me tenir
compagnie pour la fin d’un long moment de solitude, et là aussi, nous
envisageons précisément nos retrouvailles. Et au cas où les choses tourneraient
mal pour moi, il me dit de ne pas hésiter à le réveiller pour venir me
rechercher. ! « Merci Maurice » !
Tout en
échangeant ces propos, je me déleste aussi de toutes les choses inutiles et de quelques
autres que j’avais prises par prudence ou pour égayer ma solitude. Je
récupère aussi une cape de pluie en bon état (neuve me semble-t-il) et j’en
profite pour envoyer l’autre rejoindre ces choses qui n’auraient même jamais dû
exister : « Casse-toi ! Pauv’conne » !!
Puis, comme
je les avais demandées à Maurice, avant de repartir sur le chemin, j’enfile une
nouvelle paire de chaussures. Mais, alors que la brûlure de mes pieds s’était faite
oublier durant cette pause, celle-ci resurgit aussitôt et de manière encore
plus violente ! J’essaie quand même de faire quelques pas, mais la
sensation est réellement insupportable ! Malgré le risque qu’elle
présente, la solution au dilemme qui se présente est alors vite trouvée, tant
elle est seule, et adoptée. Avec les chaussettes sèches que je viens d’enfiler
et une troisième paire qui attend patiemment au fond de mon sac, je prends le
pari de faire cette seconde boucle avec mes premières chaussures, certes
trempées mais beaucoup moins douloureuses. Bien sûr, mes pieds sont toujours
très sensibles, mais le fait d’être au sec atténue sensiblement la sensation de
la brûlure. Si la première partie de la nuit reste clémente alors je ne devrai
pas avoir trop de problèmes.
Le frère de
la sœur, m’ayant aperçu, vient me rendre une petite visite et m’annonce qu’ils
abandonnent tous les deux ! Je lui fais savoir que je suis déçu pour eux,
mais au fond de moi : cela ne m’étonne pas plus que ça…
Leur mésaventure me fait penser à un mauvais « lièvre et tortue », où
la tortue finit seule ! Mais il ne me faut pas être trop
présomptueux ! Certes j’ai endossé le rôle de la tortue, mais il me reste
un petit bout de chemin à parcourir, et celui-ci s’annonce périlleux !
Peut-être le scénario est-il déjà écrit ? Mais aurai-je toutes les
ressources nécessaires pour remplir ce rôle et mener à bien ma mission ? Réussirai-je
à déjouer tous les pièges dispersés sur mon passage comme autant de gouttes de
pluie que le gars de la régie s’évertue à brumiser depuis avant mon arrivée
déjà ?
Pour le savoir, il vous suffit de
rester branchés ! Mais, moi,
je ne me pose alors aucune question de ce genre. Je suis à présent totalement
optimiste et je n’ai qu’à jouer mon rôle, et l’affaire est dans le sac !!
Et après
une petite trentaine de minutes bienfaitrices passées dans la position assise avec
une bonne partie des Warriors, et peu de temps avant l’arrivée du duo Josiane-Agnès,
me voici reparti sur un bon rythme, prêt à affronter la nuit noire du Perche,
en solitaire…
21h33 :
Après 11 averses, le duo des Warriorettes, Josiane et Agnès, approche de ses fans les plus chers, et surtout de sa ligne d’arrivée. Dans leur dernière descente, elles sont chaleureusement accueillies par la triplette Warrioresque désormais spécialiste du fait.
Après 11 averses, le duo des Warriorettes, Josiane et Agnès, approche de ses fans les plus chers, et surtout de sa ligne d’arrivée. Dans leur dernière descente, elles sont chaleureusement accueillies par la triplette Warrioresque désormais spécialiste du fait.
Sourires,
embrassades, larmichettes, félicitations, émotion…
« Hourra » !!!
50 bornes !! C’est pas donné à tout le monde !!!
Et alors
que l’illuminé que je suis, pour l’heure seul rescapé des épopées des Warriors
sur 100 kilomètres, file seul vers une grande satisfaction pour fêter les
vacances qu’il vient d’entamer, le reste de la troupe se retrouve au grand
complet dans l’annexe du manoir rustique du village de Vichères. J’imagine que
le repas est festif, mouillé… de vin, et surtout expurgé de pâtes !!
Aliments si précieux la semaine passée ! Aliment exécré pour les jours et
les semaines à venir !! Puis, après une bonne douche, la dernière de la
journée, chacun regagne sa chambrette puis sa couche, ferme ses yeux avec
satisfaction en passant en revue toutes les émotions fortes de cette
exceptionnelle journée, et finit par trouver un sommeil bien mérité…
J’attaque
très rapidement par un bon petit raidillon, histoire de me mettre dans le crâne
que le parcours n’est pas moins difficile. Puis à la descente qui suit, je me
rassure provisoirement sur le choix que j’ai opéré en gardant mes chaussures
détrempées. Pour l’instant, je me sens encore au sec, et relativement bien. Les
brûlures sont beaucoup moins vives que précédemment ! Et c’est le cœur
ainsi égayé que je goute à la marche solitaire nocturne dans une sorte de
tranchée. Il n’y a pas un bruit. Les éléments se sont calmés : pas de
pluie, pas un poil de vent ! Et personne ! Pas même un être à poils,
ni sans poil, ni à plumes ! Les petits habitants traditionnels de ce genre
de lieu doivent déjà être au fond de leur nid. Je n’y vois plus grand
grand-chose dans la pénombre de la nuit tombante renforcée par le manque
naturel de lumière de ce tunnel végétal. Cet avant-goût de ce qui m’attend pour
les heures à venir est vraiment impressionnant !!
Je me
prépare alors à m’équiper pour la nuit. La lampe frontale et les gilets jaunes réfléchissants
devraient m’aider à vaincre cette espèce d’angoisse qui risque de m’assaillir
épisodiquement. Me revient alors cette image qui m’obsède depuis quelques temps
déjà. Pas si loin d’ici, se trouve le célébrissime circuit automobile du Mans.
La proximité du lieu, la veillée que je vais entamer… Dans le faisceau de la
lampe frontale qui sera seul à me raccrocher à la réalité du moment… je revois
les phares des Matras et autres bolides qui, lors de mon adolescence, traçaient
sur le petit écran de curieuses et mouvantes courbes durant cette course qui a
toujours un point commun avec celle dans laquelle je suis : sa durée de 24
heures !
Je trouve
un endroit magnifique vers l’entrée de Nogent-le-Rotrou, et pour profiter
pleinement de la beauté du lieu, je fais
ma pause pour enfiler mes gilets et installer mon I-pod. Je m’installe sur un
petit muret qui protège un joli bassin en face de l’immense baie vitrée d’une
magnifique demeure percheronne. Tout au fond de cette véranda voutée, un repas
est dégusté par des convives concentrés sur leur tâche. Et je repars avec de
quoi vaincre le silence qui me domine depuis quelques temps…
km59 : J’arrive
tout guilleret, tel le fou-chantant, au ravitaillement situé au pied du château
médiéval de Nogent le Rotrou, tout illuminé. Et comme je suis bien élevé,
j’arrête mon I-pod qui m’avait gratifié de trois morceaux de musique bien
toniques ! Tout en saluant les hôtesses apparemment frigorifiées sous
leurs anoraks bien fermés alors que je n’ai que mon débardeur et mes deux gilets
jaunes sans manche (un sur moi et l’autre sur le sac à dos afin d’être vu de
devant et de derrière), je remarque que le client précédent fonctionne à la
bière ! D’ailleurs trois bouteilles me tendent leur capsule, et j’entends une
des hôtesses qui m’en propose une !!
Mais, poliment, je décline l’invitation qui, si je l’acceptais, risquerait de
me faire plonger dans un proche fossé avant de l’avoir terminée ; c’est du
moins ce que j’imagine ! Je fais pointer ma carte, me ravitaille, échange quelques
mots avec ces dames, et au moment de reprendre la route, le gars qui à présent
tire sur sa clope me propose de cheminer avec moi !! Je sais très bien que nous sommes très peu nombreux sur cette distance, ainsi les chances de gambader en solo sont élevées. Sans trop réfléchir,
je décide d’accepter et donc de tirer un trait sur l’angoissante nuit en
solitaire dans les chemins boueux et les forêts terrifiantes de ce Perche
inconnu ! Cheminer à deux sera en effet plus raisonnable. Car on ne sait jamais
ce qui peut nous arriver. Et avec la boue, qui à n’en pas douter nous attend,
les risques d’accident ne sont pas nuls. Et puis, ça peut aussi être sympa. Aussi, dès le mégot éteint, nous entamons notre marche commune, pour une nouvelle
aventure, en quelque sorte.
Nous
démarrons sur un rythme canon, nous laissant entraîner l’un par l’autre.
D’emblée, nous entamons la conversation, nous présentant en déclinant nos CV de
marcheurs, en évoquant comment nous en sommes arrivés là… Mais, curieusement,
Bernard se montre rapidement davantage bavard que moi ! La nature finit
toujours par prendre le dessus, n’est-ce pas ! Et après une bonne heure de
marche sur un chemin boueux à souhait, quelques glissades spectaculaires de mon
compagnon mal éclairé et adepte de la marche sans bâtons, nous constatons que
le ravitaillement annoncé à 4km est inexistant. Ou bien nous nous sommes
trompés quelque part ! C’est dans ce genre de situation qu’on se rassure
si on n’est pas seul. Et du coup, même si nous doutons un peu, nous poursuivons
notre chemin au milieu de cette forêt sans intérêt aucun.
Dimanche 8 juillet 2012 à 0h16 : Après être
entrée deux heures plus tôt dans une phase de sommeil profond, bien mérité, la petite ville de Trizay
s’éveille brusquement ! Le guetteur (veilleur de nuit chez Orange, viré
quelques heures plus tôt pour s’être effondré sur la manette de coupure
générale du réseau téléphonique national) hulule dans le porte-voix que son
ex-employeur lui a légué en guise d’indemnité de licenciement due à l’illustre
prestation dont il vient d’être l’étoile filante ! « TERRE !!
TERRRR… TERRE A TRIBORD » !!!!! A peine
ont-ils le temps de s’ébrouer jusqu’à ouvrir les deux yeux… que tous les Trizéens présents sur la plate-forme
d’arrivée voient surgir de la nuit
percheronne noire, le premier gilet jaune des 100 bornards illuminant tout sur
son passage. Il débouche seul de la dernière descente ! Oui : seul !
Car tous les photographes avides d’émotions fortes en ont eu pour leur argent,
et pour longtemps ! Les moins malheureux de l’histoire n’ont même pas réussi
à suivre cette flèche. Et bien d’autres se sont cassé le nez !! Il faut
dire que la météo les a souvent aidés à le dépasser, mais la glissade s’est à
chaque fois soldée par une prévisible rencontre avec un obstacle contondant,
déchirant, et même virevoltant ! Bouzin, le taureau s’en souvient
encore !!!
Vers le
km65 : Enfin, nous apercevons une petite loupiote au bout du chemin. Et
nous tombons rapidement sur un gars en grande conversation avec deux autres
personnes, à côté de sa voiture. Nous y pointons, y papotons un peu et y découvrons
l’organisateur de cette manifestation. Bernard en grille une, et j’en profite
pour faire quelques étirements du dos et me ravitailler un peu. Le chef avoue
que ce ravitaillement est curieusement positionné et ne correspond pas vraiment
à ce qui est annoncé sur notre plan très succinct, mais ça a l’air de lui
plaire.
Mais on
papote, on papote… or la température n’est pas franchement au top au beau milieu
de cette insipide forêt, noire comme la nuit noire. Le seul intérêt n’a beau demeurer
que dans les flaques de boue qu’elle nous propose, nous sommes quand même
machinalement attirés par l’appel de l’aventure, et aussi par un réchauffement
garanti. Aussi, nous repartons pour une étape théoriquement assez longue.
Bernard, lui, repart dans ses quasis monologues, se positionnant le plus
souvent devant moi. Il me présente en long, en large et en travers le très
réputé 100km de Millau, puis celui, magnifique, de Belves dans le Périgord noir,
et quelques autres marches intéressantes mais moins longues... Mais je commence
à lever le pied car j’ai toujours en tête de ne pas trop forcer l’allure afin
de ménager ma machine. Aussi, il marche de plus en plus souvent à une certaine
distance de moi, et de ce fait je ne perçois pas tout ce qu’il me dit ! Et
ma culture de marcheur reste ainsi, encore à ce jour, à parfaire !
Nous
poursuivons ainsi notre promenade à la belle étoile avec une météo qui nous
laisse tranquilles. Nous nous déplaçons de mare de boue en mare d’eau, de
glissade en glissade, de balise en balise, de flèche jaune en flèche jaune…
jusqu’à un carrefour situé au sortir d’une forêt. Et là, curieusement, et pour
la première fois, il n’y a pas de balisage !! Nous nous séparons pour explorer
les différents chemins, puis nous rendons à l’évidence : il n’y a vraiment
aucune balise ! Nous sommes d’autant plus étonnés que, jusque-là, le
balisage était impeccable. Nous décidons donc de rebrousser chemin et de
chercher une balise qui nous aurait échappé. Je balance alternativement la
tête, et donc la lampe-frontale, à droite et à gauche pour balayer les bords de
ce chemin que nous avons certainement mal étudié à l’aller, très occupés à
bavarder que nous étions. Mais, décidément, nous ne trouvons rien ! Et
finalement, nous nous retrouvons au début de ce chemin, en bordure de route,
au-dessus de la dernière flèche que nous avions vue, mais pas suffisamment
analysée. Or, celle-ci, de même forme et taille que ses consœurs, n’est pas
jaune, mais blanche !! Nous avons donc marché un bon kilomètre et demi de
trop et perdu ainsi un bon quart d’heure ! Il est vrai que 100 km nous paraissaient
plutôt insuffisants !! Ca me rappelle que ma dernière prestation du genre mesurait
101 kilomètres ! Ainsi, si je vais au bout j’aurai battu mon record de
distance.
A nouveau
sur la bonne voie, nous continuons à deviser. Mais Bernard est le plus souvent
devant moi, ne réussissant pas à se caler sur mon rythme. Il faut dire que sa
dernière perf sur la distance s’est soldée par un 17h40 (alors que je vise
23h00) ! Ainsi, il monologue plus que nous discutons car je ne l’entends
pas continuellement. Toutefois, quelques
rares faits nous rapprochent. Ainsi, à un moment, dans un pré adjacent, il me désigne
quelques vaches que je réussis à distinguer en dirigeant le vicieux faisceau de
ma lampe frontale en direction de quelques paires d’yeux interloqués.
km71 : Après une bien longue étape, dans un paysage assez plat de
forêt et à priori moins intéressant que celui de la première boucle, nous nous
approchons du point lumineux que nous distinguions depuis déjà quelques
minutes. Nous sommes accueillis par un cri déchirant la quiétude de ce lieu
baignant dans la noirceur de cette nuit particulière : « Marcheurs » !!!
Notre arrivée semble ainsi réveiller les personnes qui ne nous attendaient
peut-être plus ! Pourtant, après avoir lancé les inévitables « bonsoirs »
et « bonne nuit » aux veilleurs qui discouraient au beau milieu de
cette route déserte et avoir pénétré dans le bâtiment, nous découvrons une
curieuse ambiance. Il y a là pas mal de monde. Ceux qui nous accueillent pour
nous pointer et nous ravitailler, mais aussi deux autre groupes de marcheurs.
Manifestement les non marcheurs avaient décidé de passer une nuit d’enfer,
entre copains. Un poste de radio crache un brouhaha discordant afin d’empêcher
ces veilleurs de sombrer dans les bras de Morphée. En ce qui nous concerne, ça
rompt avec le silence qui nous tenait compagnie. Et alors que l’hôtesse d’accueil
(apparemment prête à jouer les hôtesses de l’air et donc à s’envoyer en l’air) d’une
voix suave me demande de lui montrer le dossard que je dissimule sous mon gilet
jaune réfléchissant, pris par cette étonnante ambiance surréaliste, je lui fredonne
cette chanson de Joe Cocker « You can leave your hat on » tout en
ouvrant lascivement mon gilet… Et après avoir déchiffré mon numéro « 66 »,
celle-ci me lâche d’un air déçu et sur un ton gourmand : « Oh !
J’aurai préféré 69 » !!! Puis elle éclate de rire. Dans le même
temps, j’aperçois, non loin d’elle, une bouteille de Whisky et une autre d’un breuvage
non étiqueté, toutes deux bien entamées. Et je discerne quelques cernes sous
les yeux de la brave dame…
Et,
soudain, je ne me sens pas très bien. La gente dame m’a-t-elle tant
excité ? Ou bien, chose plus probable : est-ce parce que je n’ai rien
mangé depuis trop longtemps que du coup je me sens faible, voire écœuré ?
Quoiqu’il en soit, l’espace d’un instant, je me vois être obligé d’abandonner !
Je commence par m’asseoir, et je me rue sur le pain de céréales acheté la
veille. Je mange aussi quelques gâteaux apéro un peu humides qui restent sur la
table de ravitaillement ; c’est salé, ça fera du bien ! Et je bois, comme
toujours pour empêcher les crampes. J’évite le café qui m’aiderait pourtant à
rester éveillé, mais je préfère ménager mon cœur.
Autour de
moi, les gens s’agitent à leur manière. L’un des autres groupes de marcheurs a
décidé de s’arrêter là. Originaires de Chamonix, ces trois jeunes n’en peuvent
plus, surtout la fille dont les cernes sous les yeux en disent long sur son
état de fatigue. On les rassure et les félicite car marcher 71 kilomètres n’est
pas donné à tout le monde ! Les autres marcheurs, interrogés par les hôtes
des lieux font savoir qu’ils sont des habitués de la bagatelle. Il y a peu, ils
avaient bouclé un 200 km !! Rien que ça ! Mais je ne capte pas tout
ce qui se dit depuis la bulle dans laquelle je suis entré pour tenter de
récupérer ce qui me fait défaut pour poursuivre mon épopée. J’avertis mon
compagnon de route et le gars avec qui il converse que je ne suis pas au mieux.
Mais je n’ai pas envie d’en rester là et de jeter l’éponge, et puis ce malaise
me semble léger. Pourtant me revient à l’esprit le scénario qui a suivi mon
arrivée à Bruges l’an passé, et la voix de la sagesse se fait entendre. La
prudence m’impose donc de laisser passer un peu de temps.
Finalement,
après un petit quart d’heure de repos, je me décide à repartir. En quittant mon
siège, je me sens mieux. Certes un peu affaibli, mais déjà moins écœuré. Je
demande à Bernard s’il est d’accord pour marcher moins vite au moins jusqu’au
prochain ravito situé à environ 3km, et nous redémarrons ! Les
articulations commencent à faire savoir qu’elles existent vraiment, mais après
quelques dizaines de mètres les choses rentrent dans l’ordre et je marche
sereinement afin de ne pas remonter trop vite en régime. Mon allure freine
sensiblement Bernard, mais il me répond que cela ne le dérange pas.
Toujours
curieux de ce qui m’entoure, j’observe à droite, à gauche… Et là, une nouvelle
paire d’yeux apparaît dans mon champ de vision. Distinguer quelque chose,
l’analyser et le comprendre en me tirant de la routine où il n’y a rien à voir
en dehors des arbres, des cailloux et du bitume noir comme la nuit, me rassure
en même temps que cela me maintient éveillé (même si je n’ai aucunement
sommeil). Et en bougeant un peu la tête latéralement, je fais mouche en
capturant cette magnifique image du petit veau tétant sa brave maman.
Décidément la pauvre ne peut pas vivre son intimité à sa convenance, cette
nuit ! Et, un peu agacée, elle balance sa queue pour claquer la
mouche ! Celle avec laquelle je l’ai dérangée. Mais au son de ce
claquement, Bouzin le taureau fait savoir de sa voix puissante qu’à
présent : « Cétacé » !! Et moi, je me fonds dans la
profondeur de la lumière disparue… Je n’insiste pas car de toute façon,
derrière nous, il n’y a plus qu’un gars ! Et il a peu de chance d’arriver
ici avant la fin de la nuit, car si nous avons bien compris : il est très
loin derrière nous ! Alors, à quoi bon discuter avec cette bête à cornes
pour tenter de lui faire comprendre que chez nous : ça se fait de voler de
telles images parce que la vie, cette vie-là, c’est beau ! Inutile, donc,
de brandir la menace de l’envoyer chez le boucher ou sur le bûcher !
Vraiment inutile car j’ai d’autres chats à fouetter ! Et Bernard qui tire
sur sa clope va bientôt se brûler le bec si nous ne repartons pas ! Alors,
la queue de la vache à la main, en guise de fouet, je repars vers mes chats, et
Bernard s’envole à nouveau, devant moi…
A présent,
la fin de la nuit se rapproche. Même si celle-ci figure parmi les plus courtes
de l’année, et donc que le jour correspondant est des plus longs (voire, le
jour le plus long !) pour moi, c’est bien la nuit la plus longue !!
Bernard me confie que depuis qu’il effectue de telles marches, son plus beau
rêve est de voir le lever du soleil ! « Il n’y a rien de plus beau
que les couleurs du lever du jour » ! Certes, le fait est splendide !
Mais, après une nuit percheronne qui nous a fait part de sa clémence et nous a
même gratifié d’un ciel parfois étoilé, à la vue de quelques lueurs furtives,
nous hésitons entre des rayons balancés par une immense tour bardée d’antennes afin
de guider les avions dans une autre direction et les éclairs d’un orage aux
aguets. Un proche avenir n’hésitera pas à nous dire de quoi il en
retourne !
Moi, je
m’étais imaginé la lumière rasante de l’astre solaire s’éveillant sur les blés
chevelus ou non, mais arrivés à maturité pour être bientôt moissonnés. J’ai
encore en tête ceux des bords de la Dhuys par un beau matin de juillet,
quelques semaines avant mon premier 100km, et cette blondeur, momentanément
dorée, m’avait tellement ébloui que j’en rêve encore. Aussi, tout comme mon
nouvel ami, Bernard, j’ai fait ces quelques pas pour toucher cette vision aussi
furtive que l’arc-en-ciel que nous n’avons même pas vu hier, tant les nuages
obstruaient le soleil ainsi fragilisé.
Du fond de son lit, Danièle qui est allée courageusement au
bout de ses interminables 25km, et dont le corps souffre encore de son effort
en partie en solitaire dans les chemins humides, est soudainement réveillée par
de curieux bruits à son carreau allant en s’amplifiant. Ses neurones,
anesthésiés mais à présent débarrassés de cette boue dégueulasse de la veille
grâce à une douche bienfaitrice dans une vraie douche, opèrent une connexion difficile.
Au milieu d’un curieux méli-mélo dramatique de ronflements et de pianotements
plus aigus, elle comprend ce qui se passe ! Et, totalement abasourdie par cette
situation dépassant son entendement, elle ne peut retenir ces paroles qui
risquent d’éveiller tous les membres de la maisonnée copieusement assommés de
ce sommeil bien mérité dont un seul des leurs est en train de se priver, ou
plutôt de se passer tant il est à la fête ! « Il est complètement
fou » !!! s’écrie-t-elle ! Mais personne ne l’entend tant
l’averse qui cogne aux carreaux et à la porte est violente ! Elle s’énerve
pour lui, l’imagine, le voit presque dans une vallée perdue, sur une colline à
la merci des éléments, ou encore au fond d’un de ces torrents formés pour
l’occasion, le complètement cinglé (au sens figuré, pour reprendre les mots
d’une personne chère, mais aussi au sens propre) !
Au même
moment, lui, revêt à nouveau, avec résignation, la cape de pluie dont il
s’était passé tout au long de cette nuit en compagnie de Bernard. Etre au sec
sous ce tissu de plastique flambant neuf présente aussi l’avantage de maintenir
le corps dans une douillette chaleur bienfaitrice dans la fraîcheur naissante
de cet embryon de journée.
Et nous
comprenons maintenant, Bernard et moi, que nos rêves respectifs ne se
réaliseront point. Dame pluie et ses copains reviennent à la charge ! « Eh !
Là-haut ! Vous en avez pas marre de nous arroser comme ça» ?!! Il
faut croire que non, car quelques minutes après la fin de cette vilaine, les
hostilités reprennent à nouveau ! Mais cette fois, nous sommes un peu à
l’abri dans un autre tunnel végétal. Alors nous en profitons pour faire une
petite pause.
C’est alors
qu’un motard nous double, dans cette boue désagréable que lui aussi commence à
exécrer, et nous demande si tout va bien. Nous le reverrons plusieurs fois et
discuterons avec lui. Son rôle est de vérifier que toutes les balises du
parcours sont bien en place, et donc que personne ne s’est amusé à les déplacer
afin de fausser les pistes des marcheurs !! Eh, oui ! Même dans ce
joli coin, havre de paix, les crétins sévissent ! Aussi, ce sportif
motorisé est en train d’accomplir la prouesse d’atteindre ses 24 heures, le cul
sur sa selle. Depuis 7 heures du matin, le samedi, il sillonne routes et chemins,
et se retrouve aussi fourbu que nous. Et c’est bien grâce à lui et ses acolytes
que le balisage ne présente aucune erreur, et que nous pouvons cheminer
sereinement !
Je
téléphone à Maurice pour lui signaler que je m’approche sérieusement de notre point
de rendez-vous. Mais dans un premier temps, il n’y a pas de réseau. Lorsque je
réussis la connexion, il est trop tard pour qu’il puisse me rejoindre. Il ne
pourra donc me retrouver qu’à Trizay, à proximité de la ligne d’arrivée et
n’aura pas le loisir, la joie et l’honneur de m’aider à en terminer.
Le jour
finit par pointer son nez, pour notre plus grand bonheur sous la forme d’une
mer de nuages grisâtre ! Nous cheminons de point de contrôle en
ravitaillement, tout en maintenant une vitesse de pointe d’environ 5km/h, ce
qui est vraiment correct. Les côtes semblent de plus en plus raides. Et nos
jambes s’activent autant que passe le temps, mais les articulations grincent de
plus en plus et les pieds brûlent sérieusement.
Pourtant une
éclaircie grandissante s’installe, nous narguant au point de nous faire croire
que le soleil illuminera notre arrivée. Alors, nous y allons de nos pronostiques.
Fera beau ? Fera pas beau ? Pleuvra ? Pleuvra pas ? Il
n’est absolument plus question, depuis longtemps d’ailleurs,
d’abandonner !! J’y crois, dur comme ferme ! Je ne me pose aucune
question sur un quelconque échec. J’irai au bout, mais dans quelles
conditions ? C’est tout ce qui m’intrigue, nous intrigue ! Et
désormais, la vie se résume à avancer. Avancer en évitant les gouttes, jusqu’à
retrouver les nôtres.
Et les
nôtres se présentent, au sommet d’une côte et de l’ultime descente, sous la
forme, tout d’abord d’un petit bonhomme bien joyeux de retrouver son pote
Bernard, puis sous celle d’une silhouette plus imposante, en la personne de
Maurice, avant-garde du team Warrior. A n’en pas douter, l’arrivée est
imminente. Pourtant, le guetteur du village ne se fait pas entendre. Et pour
cause : il a fini par se faire virer ! Je salue le copain de Bernard,
et ébauche quelques mouvements de bâtons à destination de Maurice pour
manifester ma joie. Puis le reste de la troupe apparaît et je jette mes bâtons
en l’air.
« Yes !!! J’y suis ! Nous y sommes » !!!
L’invité
trouble-fête, sous la forme d’une météo pourrie, n’aura finalement pas eu notre
peau ! Nous entrons dans une phase de bonheur total, et une certaine
fierté d’être allé au bout de ce truc de fous nous pénètre ! D’après
Bernard et son GPS, nous ne sommes pas loin de 104 kilomètres, avec un dénivelé
cumulé bien supérieur à celui officiellement annoncé : 800 et quelques
mètres !!
Bises,
embrassades, accolades… Tout y passe ! Même, Monsieur le maire, bien
matinal, vient nous congratuler. Pour un peu, Bouzin le taureau viendrait nous
lécher la pomme !
Nos
avant-dernières places, en 22 heures et 50 minutes, ne sont vraiment pas
sous-valorisées ! Je suis le vrai avant-dernier, certes, mais devant un
gars qui terminera deux heures plus tard, et qui ne sera donc pas dans les
temps. 23 participants sur les 66 inscrits ont abandonné, soit plus d’un tiers.
Je peux me considérer comme un rescapé, qui bat son propre record, et cela dans
des conditions difficiles. Cerise sur le gâteau : je termine plus en forme
que lors des précédentes éditions ! Je suis donc
« heureux » !
De la même manière qu'il m'a remercié de lui avoir tenu compagnie durant cette nuit pas comme les autres, je remercie beaucoup Bernard d'être resté avec moi et de n'avoir jamais manifesté la moindre intention de me laisser choir comme une vieille paire de godillots au bout du rouleau... Et puis, c'était sympa !
Je tiens à
féliciter tous les Warriors 2012 ! Présents sur tous les fronts, ils ont tous
rempli leur contrat, retardant ainsi le dénouement de la course au
Dagobert ! Bénédicte est pardonnée de s’être éclipsée rapidement, non pas
parce qu’elle souffrait comme une petite chose fragile, mais parce qu’elle a su
profiter de ce répit pour, sans gaspiller trop d’énergie, faire briller comme jamais les gamelles des
Warriors affamés ayant regagné le gîte ce samedi soir, et ainsi leur éviter une
surtaxe de plus de 3,12 euros !!
Je remercie
aussi les Warriors 2010 et 2011 qui, même s’ils font les morts depuis trop
longtemps, m’ont donné le goût de ces petites randonnées. J’en profite pour
leur faire remarquer qu’il y a un nouveau record à battre chez les
Warriors !!